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Ce qu’il faut savoir du naufrage du «Grande America» – Libération
16 Marzo 2019Un navire italien contenant 2 200 tonnes de fioul lourd a sombré mardi à 300 km au large de La Rochelle. Des nappes d’hydrocarbure pourraient atteindre le littoral atlantique dès dimanche.
Une nappe d’hydrocarbures se dirige vers les côtes françaises après le naufrage du navire italien Grande America, qui a sombré au large de La Rochelle. Le navire contenait des matières dangereuses et 2 200 tonnes de fioul lourd dans ses soutes. Navire hybride entre un roulier et un porte-conteneurs d’une longueur de 214 mètres, le Grande America venait de Hambourg en Allemagne pour se rendre à Casablanca au Maroc. Un incendie de marchandise s’est déclaré à bord dimanche soir et il a sombré par 4 600 mètres de fond mardi après-midi.
Si les membres de l’équipage ont tous pu être évacués, la question environnementale se pose désormais alors que l’ONG Robin des bois va porter plainte au tribunal de grande instance de Brest pour pollution et abandon de déchets.
2 200 tonnes de fioul lourd
«On ne peut pas nier qu’il y a un risque pour l’environnement mais il faut prendre du recul. Comme la plupart des combustibles étaient confinés dans les soutes, le fioul ne s’est pas forcément encore échappé. Les températures très froides le figent à 4 600 mètres. Ce qui est remonté à la surface est peut-être du diesel, s’interroge Christophe Reux, secrétaire général de la fédération française des pilotes maritimes. Les 2 200 tonnes de fioul ne vont pas remonter d’un seul coup, elles vont se déverser petit à petit.» Des analyses sont en cours pour déterminer l’origine des produits. «Dans tous les cas ce n’est pas de l’eau de rose», tranche Jacky Bonnemains porte-parole de l’ONG Robin des Bois, spécialisée sur les déchets post-catastrophe.
Pour cet officier de la marine marchande, un vrai problème de fond subsiste : la recrudescence des incendies à bord des navires, à l’origine du naufrage du Grande America. «Il y a probablement un problème de déclaration de marchandises qui présentent des risques de combustion ou une cohabitation de produits qui sont pas faits pour être ensemble.»
Contactée par Libération, l’avocate Corinne Lepage, qui avait défendu les victimes des marées noires dues aux naufrages de l’Amoco Cadiz en 1978 et de l’Erika en 1999 détaille : «Les risques sont très sérieux. Il sera difficile d’éviter l’arrivée de pétrole sur les côtes. Ce n’est certes pas une pollution très importante, 2 200 tonnes de fioul lourd alors que l’Erika était un pétrolier et transportait plus de 30 000 tonnes. Mais cela reste du fioul lourd, de fond de cuve, qui arrive sous forme de boulettes sur les plages. Et les conteneurs, dans lesquels on ne sait toujours pas ce qu’il y avait, posent aussi un risque de pollution chimique, dont personne ne parle.» Elle reconnaît que d’importants efforts ont été faits en termes de sécurité maritime depuis l’Erika, mais que «les progrès portent surtout sur le transport d’hydrocarbures : là avec un cargo, ce ne sont pas les mêmes législations»
Une nappe d’hydrocarbures de 10 km de long
«Au cours du vol réalisé [ce jeudi] au-dessus de la zone de naufrage du Grande America par l’avion de patrouille maritime Atlantique 2 de la Marine nationale, une nappe d’hydrocarbures a été localisée», a indiqué mercredi soir la préfecture maritime dans un communiqué. La nappe s’étendait sur une dizaine de kilomètres de long et un kilomètre de large, «à plus de 200 km des côtes».
Les nappes d’hydrocarbures liées au naufrage du bateau italien «pourraient toucher le littoral français vers dimanche soir ou lundi», estime François de Rugy, le ministre de la Transition écologique.
Des boulettes et galettes de fioul sur les plages
«Des boulettes et galettes de fioul vont atterrir sur les plages de l’Atlantique dans les semaines à venir, notamment pendant les vacances de Pâques. Il faudrait prendre toutes les précautions possibles pour barrer l’entrée des ports et des élevages conchylicoles. Les pêcheurs, ostréiculteurs et tous les professionnels de la mer vont être les plus pénalisés», regrette le défenseur de l’environnement Jacky Bonnemains.
L’association Robin des Bois entend porter plainte pour pollution et abandon de déchets auprès du tribunal de grande instance de Brest. «Il y a une casse automobile au fond de l’océan avec 2 000 voitures polluantes que transportait le bateau et les matériaux toxiques qui vont avec, assure Jacky Bonnemains, le porte-parole de l’ONG. Ce sont des voitures jugées hors-norme en France qui sont envoyées en Afrique. Cet accident c’est le miroir du commerce nord-sud. Et il y a trois à quatre navires comme ça par semaine.»
Des risques pour la faune et la flore marine
«Le naufrage a eu lieu dans une zone où la faune et la flore sont très riches. Les premières victimes directes seront les planctons, poissons et mammifères marins, souligne Jacky Bonnemains. Au-delà du fioul, une remontée de plastiques et de déchets divers provenant du navire est à prévoir. Ce ne sont pas des matières dangereuses en soi, mais en grande quantité, elles peuvent l’être pour les poissons, les mammifères marins et les oiseaux», assure-t-il.
Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue de Protection des Oiseaux abonde. Si les quantités de fioul sont bien moindres que lors du naufrage de l’Erika, le fioul lourd reste très problématique pour les oiseaux et très difficile à nettoyer pour les volontaires (à l’époque, les volontaires n’avaient pu sauver que 20 % des oiseaux touchés qu’ils avaient récupérés). Même dans le cas où le pétrole pourrait être pompé avant d’atteindre les plages, «au large les oiseaux pélagiques (qui vivent en haute mer) seront touchés : par exemple la famille des alcidés et parmi eux les Guillemot de Troïl, les petits pingouins et les macareux moines, qui sont en fin de période d’hivernage et ne sont pas rentrés nidifier, ainsi que des mouettes pygmées». Si le fioul arrivait jusqu’aux côtes d’autres oiseaux seraient touchés : «des macreuses noires, des sternes, des petits échassiers, ou encore des bernaches cravant – des oiseaux migrateurs qui n’ont pas encore regagné la Sibérie». Il regrette que malgré les promesses faites après le naufrage de l’Erika, peu de centres de soin soient établis sur la côte pour pouvoir venir en aide aux oiseaux touchés : «Il y en a un à Nantes et un autre dans le bassin d’Arcachon, mais rien entre les deux, où les oiseaux risquent d’arriver. Il y a seulement notre unité mobile de soins mais c’est insuffisant.»
«Laxisme autour du transport maritime»
Le naufrage du Grande America a donné lieu à une bataille politique. Yannick Jadot, tête de liste EE-LV pour les européennes, a critiqué jeudi «le laxisme qu’il y a souvent autour du transport maritime. L’organisme maritime international est trusté par tous les pavillons de complaisance qui essayent en permanence de lutter à la baisse contre toutes les règles à la fois sociales, de sécurité, d’environnement.» «Je ne sais pas de quel laxisme Yannick Jadot parle. Nous avons une action qui est extrêmement déterminée pour la sécurité maritime», a répondu le ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy. Il a notamment cité la création de routes maritimes «surveillées de façon très stricte» et d’une Agence européenne pour la sécurité maritime.
En Europe «à partir du moment où on vient […] dans un grand port européen, il y a des contrôles», a-t-il encore défendu. L’Europe est par ailleurs en train «d’imposer au transport maritime international, en tout cas à tous les navires qui viendront dans les ports européens, de changer de motorisation pour ne plus utiliser ce fioul lourd» mais du gaz naturel liquéfié, a rappelé le ministre.
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